Intelligence collective
DRH, développeur de compétences collectives ?
- Par jeromegrolleau
- Le 2017-03-30
Ndw 14 Focalisées sur les compétences individuelles, les organisations tendent à laisser dans l'ombre celles portées et mises en oeuvre par les collectifs, laissant ainsi en jachère tout leur potentiel stratégique et opérationel. Or, les compétences loin d'être des abstractions se manifestent toujours en situation. Et toute situation, comme tout résultat, n’est jamais le produit d’un seul individu mais d'un système de relations.
- Pour réussir ensemble, il faut donc se faire confiance, prendre l’initiative de se voir pour mieux se comprendre, parvenir à parler de ce qui ne va pas, en distance et sereinement, sans renvoyer systématiquement chacun à ses manques ou ses responsabilités. Le sentiment d'un nous s'entretient de la qualité et de l'intensité des échanges et notamment de la bienveillance que chacun accorde à l'autre. Cet investissement inconditionnel du lien permet tout autant de s'allier que de se confronter sans nécessairement s'affronter.
- Pour réussir ensemble, il faut aussi se rassembler autour d'enjeux communs, poser des objectifs et suivre ensemble les effets réels de ce que l’on fait ensemble. Il faut s'organiser et donc trouver les agencements les plus fluides, fixer les lieux d'arbitrage, accepter de laisser le lead à l'un sans que celui-ci en devienne propriétaire, etc. Ce passage de la coordination à la coopération n'est pas qu'affaire de bonne volonté mais nécessite de savoir construire des accords et les formaliser.
Toutes ces compétences collectives n'ont rien de "naturelles" et ne peuvent être, par ailleurs, le fruit d'incantations répétées.
L'enjeu premier est de les sortir de l'angle mort où elles sommeillent et d'y braquer le projecteur. Les rendre visibles et les nommer dès qu'elles se manifestent ou semblent faire défaut les font exister dans l'organisation et leur donnent le staut d'objet de travail stratégique. Favoriser leur prise de conscience, leur présence dans les raisonnements et les analyses, par une attention continue, les développent. La lumière diffusée par le DRH-éclairagiste les constituent donc comme objet commun et les fait croître.
Le second enjeu consiste à mettre en place des dispositifs concrets favorables à leur découverte et à une expérience collective positive et productrice. Initier à la pratique du co-développement, faire varier les modalités et les objets des réunions d'équipe (cf Ndw12), créer des instances de suivi-appui aux changements, instaurer des retours d'expériences, des pratiques de co-construction, etc, stimulent l'apprentissage et la mise en oeuvre de compétences coopératives et réflexives.
Sur ces bases, initiées par un DRH-créateur de conditions favorables, le collectif s'apparait à lui-même en tant que tel et se constitue en sujet oeuvrant à son devenir : acteur de sa propre évolution et en mesure de créer et mettre en oeuvre du nouveau.
Entre pairs : une nouvelle dynamique sociale
- Par jeromegrolleau
- Le 2017-03-07
Ndw 13 Un dimanche après-midi par mois une de mes filles garde de très jeunes enfants pendant que leurs parents se rendent,..., à une réunion de parents, y parler de leur expérience, partager leurs questionnements et échanger entre pairs et ce, hors de toute institution.
Certains ne manqueront pas de sourire et d'attribuer ce comportement à de futiles "bobos" parisiens, voire de s'emporter à l'encontre d'un tel usage de son temps. Et pourtant, voilà une pratique significative des dynamiques sociales contemporaines, prenant à contre-pied les interprétations réductrices et récurrentes : repli sur soi, délitement du lien social, primauté des intérêts individuels, perte de sens, évanescence des rôles sociaux, perte des repères, etc.
1. Loin d'une disparition des rôles sociaux, cette pratique en signe au contraire le fort investissement, méritant d'y consacrer du temps, voire de l'argent (baby-sitting) et met en évidence la transformation du rapport que chacun entretient avec eux. Il ne s'agit plus de se mouler dans le rôle mais de le moduler, de la façonner à sa façon, le faire sien, pour mieux l'habiter et lui donner un sens personnel.
2. Cet écart au rôle, investi et producteur de sens, est l'espace d'un "travail" de subjectivation de l'individu. S'y glisse un sujet à l'intense activité réflexive. Celle-ci s'ancre dans l'éprouvé des situations concrètes, dans les pratiques,...., sans que les unes soient jugées "bonnes" et les autres "mauvaises".
3. Ni hors des normes, ni hors de toutes références communes, ce travail y prend au contraire appui afin de dégager un style, une singularité, voire innover et expérimenter de nouveaux chemins. L'enjeu n'est pas tant de se distinguer socialement que de construire une relation à soi et au monde, riche, congruente, dynamique. La subjectivation prime sur la distinction.
4. Enfin, si le coeur de cette pratique instaure un rapport réflexif à soi, le rapport à l'autre en est indissociable. La réflexivité n'est pas l'introspection mais suppose au contraire une nécessaire interaction, aux principes renouvelés - exposition de soi, réciprocité, bienveillance, attention à l'autre, coopération.
Quelqu'en soient les limites, cette pratique montre qu'à l'heure où les lamentations sur l'uniformisation fleurissent, des ilôts de singularisation émergent tout autant. Jouant subtilement de la pluralité, ils enrichissent les possibles du sens et nous déportent bien loin du fameux repli sur soi et de la fin du collectif.
Fusion : Rendre les écarts féconds
- Par jeromegrolleau
- Le 2016-04-14
Chroniques territoriales/Ndw05. Un cadre d'un Conseil Régional "en fusion" me faisait part de tout l'intérêt qu'il portait aux échanges avec ses homologues. L'apport principal était à ses yeux de découvrir des écarts dans les manières de faire. " Ils ne font pas comme nous. Et pourtant nous sommes dans l'administration ! "
Quels enseignements en tirer ?
1. Si il y a écart dans le faire, c'est qu'il n'y a pas UNE manière de faire inscrite dans le marbre et qui serait historiquement fondée. Non seulement des pistes s'ouvrent, deux en l'occurence. Mais l'existence de ce deux signifie qu'il peut y en avoir trois, quatre, etc. L'écart dissout l'illusion du marbre, crée un vide et ouvre potentiellement un espace de créativité.
2. En remettant en cause ce qui n'était pas interrogé et qui pourtant fondait l'action, l'écart a un effet réfléchissant qui constitue l'apport tout autant professionnel que personnel de la rencontre. Il permet de se réfléchir et de réfléchir: prise de recul, pas de côté réflexif.
3. Paradoxalement, l'écart rapproche. C'est le moteur de la construcion du lien. Sur fond de similitude ce bout d'altérité vient vous dérégler, vous surprendre et fait, au sens fort, rencontre. Comme toute véritable rencontre, elle fait naître un désir de poursuivre l'échange, appelle une suite, soit le début d'une histoire. Pas celle écrite en haut, mais celle vécue en bas et faite de multiples interactions.
4. Quand elles fusionnent, mutualisent, font groupe, etc. les organisations ont souvent tendance à se focaliser sur ce qu'il y a de semblable chez les uns et chez les autres et à construire un socle se résumant au plus petit dénominateur commun. Elles réduisent l'écart et font à la lettre fusion: deux ne font qu'un.
Plutôt que de vouloir trop rapidement réduire l'écart comme on réduirait une fracture en en rapprochant les deux bouts pour qu'ils n'en fassent plus qu'un, il est souhaitable de rendre l'écart fécond afin que deux donnent naissance à un. (Procréation plus que fusion !)
5. Plus que sur les différences identitaires, les écarts qui comptent portent sur le faire : comment fais-tu ? Et à partir de là, qu'allons-nous faire ensemble, comment allons-nous nous organiser, que nous apportons-nous mutuellement et nous transforme, qu'allons-nous construire ensemble, etc.
C'est une approche pragmatique. Elle se base sur l'action, rend l'écart productif et donne toute sa place aux acteurs, à tous les niveaux de l'organisation. Cette dernière crée les conditions pour que cela se passe mais ne construit pas à la place des acteurs. Elle laisse le jeu des interactions se déployer.
Le commun c'est ce que l'on construit grâce à l'intelligence collective que nos écarts produisent.