Coaching
Innovation managériale : petit récit sur les dérives d'un impératif
- Par jeromegrolleau
- Le 2016-05-19
Ndw 06. Pas un colloque, pas un discours de dirigeant sans que ne surgisse comme un nouvel étendard, voire comme une prescription impérieuse : l'innovation managériale
Un haut dirigeant présente le projet stratégique d'une grande entreprise. Temps d'échanges : un directeur opérationnel pointe les contradictions, voire les impasses dans lesquelles la production du service se trouve, les règles RH contraignantes, la culture de l'entreprise, etc. Réponse : " Managers, innovez ! L'innovation est le maître mot de notre entreprise. Elle doit être partout ". Dans le texte ! J'y étais.
Alors, que fait ce directeur ? Il sollicite son réseau professionnel, explore ce qui se fait, identifie des pratiques intéressantes, en parle avec ses collaborateurs, fait son tri, ses emprunts afin de trouver les clefs qui puissent répondre à ses problématiques. Une fois ses scénarios en poche, il retourne voir son haut dirigeant. Ecoute patiente. Mais au fur et à mesure qu'il développe ses propositions, il sent bien que la sentence n'a point besoin d'être formulée, car elle se lit aux plis des lèvres de son interlocuteur. " Déjà vu. Pas assez innovant !".
Car ce qu'il veut lui, c'est une "vraie" innovation, une qui claque, brille, montre que l'on entre dans le "nouveau monde" et que l'entreprise en ouvre les portes,...
Bien sûr, cette histoire n'arrive presque jamais, quoique. Mais par contre, elle est là dans les esprits de tous les protagonistes, affleure dans les discours, tel un implicite de l'innovation managériale. Entre impératif catégorique, capture médiatique et stimulation incessante de consultants en surenchère permanente, l'innovation managériale se met autour du cou un noeud coulant qui empêche tout simplement d'avancer.
Le modèle de l'innovation de rupture issue du technologique est tellement présent dans les esprits, les enjeux d'image des uns et des autres tellement insidieux que l'on en arrive parfois à cette situation ubuesque : s'interdire de mettre en place des choses utiles, parce qu'elles ne sont pas assez "innovantes".
Alors oublions un temps le terme et tout ce qu'il porte. Prenons de la distance à l'égard de La pratique magique qui prend sens au regard du marché de l'innovation et non à l'aune de l'histoire de son organisation.
Et gardons la notion clef d'un mouvement adaptatif permanent,
fait d'ajustements réguliers et multiples,
qui par accumulation et effet de système
produisent des mutations irréversibles
et bien souvent imprévisibles.
Une avancée ici, une autre par là, et puis, celle-ci qui permet celle-là (art de l'enchainement et des effets en chaîne). Se dessine alors un autre système managérial, d'autres relations possibles entre les acteurs,....
Retour à et fin de l'histoire.
Suite à cette déconvenue le directeur opérationnel engage à sa propre initiative un accompagnement individuel. Son objectif est de comprendre ce qui l'affecte tant dans cette aventure. Il faut alors l'aider à "désintriquer" (c'est à dire lier et séparer) ce qui relève de son histoire personnelle et de ses rapports avec son "grand chef". Cette plongée dans son histoire lui permet en outre de retrouver un goût d'entreprendre qu'il avait peu à peu perdu : s'y ressourcer, retrouver le désir qui pousse à s'autoriser au nom de la responsabilité qui lui est confiée. Et oser y aller sans être sous l'emprise du regard de l'autre.
Il reprend alors ses idées initiales, celles qu'il avait exposées. Il tâtonne, expérimente, apprend, enrichit et pas à pas met en oeuvre. Deux ans plus tard, au regard des résultats (économiques et services), le haut dirigeant lui demande de transmettre son expérience aux autres directeurs...
Coaching : développer son potentiel ?
- Par jeromegrolleau
- Le 2015-04-04
Ndw01 Le terme de potentiel abonde dans le discours coach. A juste titre, cette croyance en du possible est un ressort fondamental de la dynamique de transformation que le coaching vise à produire.
Cependant nombre de plaquettes et d'ouvrages, mettent en avant l'idée que la finalité-même du coaching serait de "développer, optimiser, augmenter,... son potentiel".
1. Développer son potentiel laisse supposer qu'il n'y aurait du potentiel que du côté de la personne : ce qui exclut l'idée qu'il puisse y en avoir "hors de lui", dans la situation elle-même, du côté de son environnement social.
Or, c'est bien souvent en décryptant ce "hors de soi", en ne considérant pas la situation dans laquelle on est pris comme un donné figé, mais plastique et traversé de multiples dynamiques, que se trouve des prises opportunes qui permettent d'avancer.
La situation dispose d'une potentiel à explorer et à cultiver tout autant que la personne elle-même. C'est dans leur entrecroisement que des pistes nouvelles peuvent émerger.
2. A strictement parler, même développé, augmenté, un potentiel demeure potentiel et ne s'actualise pas nécessairement. L'exploration et la mobilisation de toutes les potentialités d'une personne et de la situation sont bien évidemment des conditions nécessaires au processus-coaching. Mais s'en tenir là, c'est se contenter de développer une bulle spéculative.
Le point clef du processus est le passage du potentiel à son actualisation - franchir une étape, réorienter son approche, adopter de nouvelles modalités d'action... Ouvrir les possibles est une chose, faire le premier pas en est une autre.
3. Au seuil de ce passage, surgit toute la complexité d'un être humain : son désir de changer et de ne pas changer, ses potentialités et sa vulnérabilité, ce qu'il maîtrise et ce qui lui échappe, ce qui vient de lui et tout ce qui vient du dehors, avec leurs multiples intrications... C'est en explorant ces entrelacs, en en dénouant autant que faire se peut les fils, que se dessine une voie, la sienne et non celle d'un modèle qui s'imposerait.
L'occultation de toute cette complexité par un discours coach positif faisant miroiter l'illusion narcissique du développement d'une toute puissance de soi, rate l'essentiel. Le potentiel n'est pas la fin, mais le début. La fin, c'est l'acte : pas celui du héros imaginaire, mais le sien.